Un cadre qui se renforce déjà aujourd’hui
Avant même 2026, plusieurs mesures ont été adoptées qui modifient déjà le paysage de la location saisonnière. La loi n° 2024‑1039 du 19 novembre 2024, dite « loi Eve Le Meur », renforce les outils de régulation des meublés de tourisme. Elle permet notamment aux communes d’abaisser de 120 à 90 jours par an la durée maximale de location d’une résidence principale en meublé touristique.
Par ailleurs, l’abattement micro-BIC pour les meublés non classés est ramené à 30 % (contre 50 % auparavant), avec un plafond de revenus de 15 000 €, et pour les biens classés l’abattement passe à 50 % avec un nouveau plafond (77 700 €).
Sur le plan énergétique, les meublés de tourisme doivent désormais répondre à des obligations de diagnostic de performance énergétique (DPE) : les logements proposés à la location après une autorisation de changement d’usage devront être au minimum classés E, puis D à horizon 2034.
Enfin, l’enregistrement des meublés de tourisme auprès d’un téléservice national devient obligatoire en France, avec un effet à échéance pour mai 2026.
Ces mesures posent une nouvelle donne : on passe d’un modèle d’« occasionalité » à un modèle de régulation beaucoup plus rigoureux, notamment dans les zones tendues.
Les grandes nouveautés à venir en 2026
Si les changements mentionnés ci-dessus sont déjà engagés, 2026 s’annonce comme un jalon majeur avec plusieurs dispositifs qui entreront en application ou se généraliseront.
Le seuil d’assujettissement à la TVA
À partir de 2026, selon un projet de loi de finances, le seuil d’assujettissement à la TVA pour les locations saisonnières passera à 37 500 € de revenus annuels, pour les locations offrant au moins trois prestations (ménage, linge, petit-déjeuner, accueil…). Jusqu’ici, seul un seuil de 85 000 € s’appliquait.
Ce basculement implique que de nombreux loueurs, jusque-là exonérés de TVA, devront dorénavant facturer la TVA à 10 % et revoir leur stratégie tarifaire, leurs prestations et leur comptabilité.
Généralisation de l’enregistrement + transparence accrue
Le règlement européen sur la transparence des locations de courte durée entrera pleinement en vigueur en mai 2026. En France, cela se traduira par un renforcement de l’enregistrement, un échange accru des données entre plateformes et collectivités, et donc un contrôle plus étroit.
Fiscalité et abattements toujours plus resserrés
Les abattements sont déjà durcis via la loi Le Meur, mais les effets fiscaux pour les revenus 2025-2026 seront plus lourds. Pour les revenus 2026-et suivants, les loueurs devront anticiper un basculement fréquent du régime micro vers le régime réel, avec plus de comptabilité, de contraintes et potentiellement moins d’avantages.
Performance énergétique & usage des logements
Progressivement, tous les meublés de tourisme seront soumis aux mêmes exigences que les logements loués à l’année en matière de performance énergétique. À l’horizon 2034, seuls les logements classés A à D pourront être loués en meublé touristique. Mais dès 2026, la pression réglementaire s’accentue : certaines communes pourront exiger dès maintenant un DPE valide pour les nouveaux logements.
Régulation locale renforcée
Les communes auront davantage de liberté pour fixer quotas, limiter la durée, exiger une autorisation d’exploitation ou imposer des zones réservées aux résidences principales. Le changement d’usage devient plus simple à mettre en œuvre par les collectivités.
Impacts concrets pour les propriétaires et gestionnaires de locations
Pour un propriétaire qui loue en saisonnier — que ce soit via un site vitrine, une conciergerie ou une plateforme — ces évolutions entraînent plusieurs conséquences qu’il est crucial d’anticiper.
Augmentation des coûts de conformité
Le passage à la TVA, l’obligation d’enregistrement, la gestion comptable en cas de régime réel, la nécessité d’un DPE conforme… tout cela impose un surcoût (administratif, technique, juridique). Il faudra souvent revoir le business model, ajuster les tarifs ou limiter les prestations.
Stratégie de positionnement
Les loueurs non classés ou peu qualifiés se retrouveront dans une situation moins favorable. Le seuil micro-BIC très bas (15 000 €) incite à envisager une autre stratégie : soit rester sous ce plafond, soit opter pour un traitement professionnel. À titre d’exemple, un bien loué 100 €/nuit pendant 80 nuits franchit déjà le seuil de 8 000 €, ce qui est loin du plafond mais si on rajoute prestations, cela peut vite grimper.
Réflexion sur les prestations
Pour échapper à l’assujettissement TVA, certains propriétaires envisagent de limiter les prestations (par exemple, ne plus fournir le petit-déjeuner ou le linge chaque jour) afin de ne pas déclencher les trois-prestations requises.
Risque accru de sanctions
Le contrôle va s’intensifier. Les plateformes échangeront plus de données avec les communes. La non-déclaration, l’absence de numéro d’enregistrement, l’usage non conforme (résidence secondaire louée comme meublé touristique sans autorisation) seront plus souvent détectés et sanctionnés.
Choix de long terme vs court terme
Le contexte pourra pousser certains propriétaires à repenser la location saisonnière en location longue durée ou à privilégier la résidence principale en location courte durée, sous 90 jours. Le maintien d’un modèle purement touristique peut devenir plus complexe.
Que faire pour s’anticiper et s’adapter ?
Pour un propriétaire, un gestionnaire de meublé (ou une conciergerie), voici quelques pistes à envisager sans attendre :
- Faire un audit complet du bien : vérifier le DPE, le classement, les prestations fournies, le chiffre d’affaires actuel et projeté. Est-ce que vous risquez de dépasser les nouveaux seuils ?
- Modéliser l’impact fiscal : en simulant les revenus 2025-2026, tester les scénarios : rester sous le micro-régime, basculer en réel, passer à TVA. Anticiper l’impact sur rentabilité.
- Revoir les prestations et tarification : si la TVA devient due, doit-on l’inclure dans le prix ? Faut-il réduire certaines prestations pour ne pas être assujetti ?
- Optimiser l’usage du logement : Si le bien est une résidence principale, analyser la limite des 90 jours/an dans les communes concernées. Si c’est une résidence secondaire, envisager le changement d’usage, ou un basculement vers la location longue durée.
- Se tenir informé des règles locales : chaque commune peut adopter ses propres mesures (quota, autorisation, limitation). Il est crucial de surveiller le plan local d’urbanisme (PLU), les délibérations municipales, et de prévoir une conformité locale.
- Évaluer l’intérêt du classement “meublé de tourisme” : Cela peut permettre de bénéficier d’un abattement plus favorable, mais les contraintes sont aussi plus importantes. Il faut comparer le coût et l’avantage.
Anticiper, prévoir, s'adapter
La location saisonnière, qui a longtemps été une voie attractive pour les propriétaires à la recherche de revenus complémentaires, entre dans une ère de régulation accrue. À horizon 2026, avec l’assujettissement à la TVA, l’enregistrement systématique, la pression locale renforcée et la fiscalité moins avantageuse, il devient essentiel d’anticiper. En tant que loueur ou gestionnaire, il ne suffit plus de proposer un logement à court terme : il faut désormais intégrer la dimension conformité, prévoir les coûts associés, adapter son modèle et éventuellement repenser son positionnement.
Pour l’ensemble du secteur, ces changements visent un double objectif : préserver l’offre de logements à l’année dans les zones tendues, et rééquilibrer la concurrence entre location longue durée et location touristique. Pour vous, ceux qui gèrent ou accompagnent des locations de courte durée, comme une conciergerie ou un petit acteur local, c’est le moment de mettre en place une veille réglementaire, de préparer les adaptations opérationnelles et de repenser la stratégie pour 2026 et au-delà.